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20/03/2009

Résultats du concours (5)

Et voici le premier prix de notre concours de la semaine de ma langue française. C'est un texte de Danielle Siron. Je vous laisse découvrir la douceur, l'intelligence et la délicatesse des personnages et des sentiments. La situation dramatique ? Un subtil mélange de réel et de surnaturel, d'inquiétude et d'apaisement. Le jury a été unanime devant ce texte porteur d'espoir.



DES MOTS POUR DEMAIN

C’est le matin. Une jeune femme enceinte s’étire sur le bord de son lit.

La maman : Bébé je crois que tu es prêt. Maintenant il faut te décider ! Qu’attends-tu ? Tu ne veux pas venir à la découverte de ton nouveau monde ?

le bébé : pas sûr…

La maman : Bébé, c’est toi qui as dit ça ?

le bébé : Oui, c’est moi…

La maman : Mais…

le bébé : Je suis bien chez toi ; pas sûr de vouloir d’un ailleurs.

La maman : Mais ce n’est pas possible de rester là où tu es, tu vas devoir venir me montrer le bout de ton nez ! Tu n’as pas l’air très curieux, mon tout petit !

le bébé : Ne crois pas cela. Au contraire. Cela fait déjà quelques temps que j’essaie d’imaginer ce jour et même les lendemains de ce jour, de m’en faire une vision douce, accueillante, poétique…

La maman : Et … ? ça ne marche pas ?

le bébé : Souvent, si. Je dresse tous mes capteurs et mes sens s’affairent, même le sixième…J’ai déjà découvert le bruissement du vent dans les arbres, la légèreté du clapotis de l’eau, la joie partagée avec tous ceux qui parlent et chantent avec toi. Et aussi le mouvement et le repos, la musique et le silence, tant d’instants à désirer …hmmm ! !

La maman : Tu as déjà ressenti de belles émotions, j’en suis si troublée… Et tu verras lorsque tu auras accepté de venir ici, de te transformer en terrien un peu moins aquatique ; Toutes tes émotions seront plus vives, plus colorées… Plus intenses… Plus belles aussi je crois, car la magie de ce monde persiste dans la fraîcheur des regards.

le bébé : Magie…mystères…
Je ne comprends pas tout ce que je perçois. Ou, peut-être que je ne souhaite pas comprendre quelques fois. Tiens par exemple, je capte des séries de «clics» froides et inquiétantes…

La maman : Non Bébé ! Ne t’en fais pas pour ça ; c’est ce qu’on appelle la technologie. Je t’explique : «clic», la bouilloire s’éteint, «clic», j’allume une lumière artificielle, «clic, clic, clic» j’écris sur le clavier pour mes amis. La technologie c’est ce qui nous a permis de construire des engins spatiaux, d’aller sur la lune contempler le clair de terre (magnifique !). Alors on s’est mis à rêver d’aventures nouvelles. Et dans le même temps, beaucoup ont pris conscience que notre planète si belle, si généreuse était un peu seule et réellement limitée. N’oublie jamais de la saluer chaque matin au réveil.

le bébé : Il faudra me guider

La maman : Oui, je t’expliquerai.
Et je peux même rajouter que grâce à la technologie on a pu inventer des objets plus ou moins fabuleux qui nous rendent la vie plus confortable, plus souple, plus douce, plus ample… Enfin à condition de ne pas perdre de vue l’essentiel…

le bébé : c’est quoi, l’essentiel ?

La maman : La vie sur notre terre, c’est comme les feuilles des arbres, ça ne peut pas durer éternellement, ça n’est pas pérenne. Il faut apprécier chaque chose avec subtilité, précieusement ; je ne connais rien qui ne soit pas fragile. La vie n’est pas compatible avec la négligence. Il faut comprendre que les actions, les choix même simples de chacun influencent l’avenir de tous les êtres vivants.

le bébé : Hou la la ! ça va être compliqué ! Comment je vais faire, moi, tout seul !

La maman : Mais tu ne seras jamais seul Bébé. Tu auras toujours ton génome avec toi.

le bébé : Et c’est quoi, ça, un génome ?

La maman : C’est ton programme, celui qui t’a construit. Il te vient de moi bien sûr, mais aussi de ton père, de nos parents, de nos grands-parents et ceci depuis la création du monde. Il t’a été donné par tous ceux qui ont vécu avant toi, il contient l’histoire de notre humanité. Il est si élaboré et si fragile à la fois. Pense que tu devras le transmettre toi aussi et de préférence en bon état. Alors sois vigilant. Ecoute ton corps, écoute tes émotions. Ecoute ta réalité profonde. Ecoute cette longue chaîne d’amour. Ton génome contient des réponses, des ressources insoupçonnées. Ce n’est pas seulement une suite d’informations, c’est une synergie de toutes ces informations. Il est ta vie ; il est LA VIE….Alors ?

le bébé : Alors quoi ?

La maman : Viens-tu maintenant ?

le bébé : Attends un peu.

La maman : Oui, un peu…. Allez, viens, tu es mon avenir et l’avenir de ce monde. Viens écouter, regarder, apprendre, réfléchir et aimer. Sans la connaissance et sans l’amour on peut craindre les lendemains. Viens apporter ton aide ! Viens voir ce nouveau jour !

le bébé : Je viens...

19/03/2009

Résultats du concours (4)

Le deuxième prix du concours de la semaine de la langue française est attribué à Isabelle Ronté. Son texte est de tonalité tragique, mais il possède une grande force dramatique. Dans les propos échangés par deux personnages, simplement désignés par des lettres A et B (comme chez Beckett), toute l'injustice du monde est dite. Ce beau texte, très émouvant, a été retenu par le jury qui s'est montré très sensible aux idées généreuses que l'auteur exprime et à la musicalité du dialogue.

Transcender la mort

Dans une chambre d’hôpital, un enfant endormi dans un lit, il s’appelle Younes, deux soignants parlent près de lui.

A - Salut l’artiste, toujours fidèle au poste ?

B - Et oui, et toi t’as repris du service ?

A - Je remplace Manu, son gamin est malade. Alors toujours en train de
rimer la vie ?

B - Plus que jamais, devant ce gosse, la poésie me permet de voir, de
ressentir la beauté de la vie et même de la mort

A - Oui, moi j’ai un appareil numérique, la beauté de la vie, je te la
transforme en format 10x15, la beauté de la mort, tu m’excuseras,
mais la mort c’est le néant et mon sony ne photographie pas le
vide.

B - Mais la poésie, c’est aussi la musique, la musique des rimes.

A - Je peux te mettre un fond sonore si tu veux ?

musique de rap en sourdine

B - C’et quand même émouvant d’entendre un beau texte.

A - Ah oui...

B - Ecoute ! (Il chante sur un rythme de rap)
L’enfant regardait son ailleurs
Dans son regard nulle frayeur
Que pouvait-il ici bas désirer
Pas d’immortalité
Pour son corps en souffrance
Pas de clic sur le bouton chance

A - Ouais, ce gosse y va crever, Vu que personne n’est capable de
mettre deux génomes bout à bout pour le réparer, ce n’est pas la
peine de faire de belles phrases pour le dire.

B - Alors toi, tu vas dire, Younes est mort ce matin tout seul sur son lit
d’hôpital entouré de perfusion.
C’est une vision d’horreur.

A - Oui mais c’est la vérité toute crue. tu préfères que je te la joue
comme ça :
(chanté sur le rythme de rap)
Younes est mort ce matin
Il avait l’avenir dans ses mains
L’humanité n’a pas voulu de lui
Il nous quitte aujourd’hui
Son seul tort
Etre atteint d’une maladie non rentable
Pour l’industrie pharmaceutique
Il était né sur le mauvais continent
Il mourra sur le bon
Ses parents en camp de rétention
Pour avoir cru en un meilleur
Pour avoir cru à l’universalité du monde
Il n’y a d’universel que le capitalisme
Les frontières ne sont là que pour ceux qui souffrent
Tu vois ici même dans notre petit coin de terre
On met un péage pour protéger notre avenir
N’y a-t-il pas d’autres moyens pour vivre en harmonie
Que de se barricader et d’exclure nos semblables
On se donne bonne conscience, c’est pour la planète.

B - Tu vois, c’est quand même plus joli quand il y a de la musique dans les mots. Moi avec la poésie, je transcende la mort pour en faire
ressortir la beauté.
Son rire illumine le clair de terre
Virevoltant comme une phalène
Younes a vaincu l’enfer
Sa vie est désormais pérenne.

A - Clair de terre, vers de terre, c’est plutôt avec ceux-là qu’il va bientôt
pouvoir jouer.

B - Toi décidément, la beauté t’as du mal à capter.

A - Moi, mes capteurs sont plus réalistes, si t’as pas eu la chance
d’être compatible avec ta vie, ben tu crèves et c’est tout, que tu le
veuilles ou pas.

B - La poésie me permet justement d’aimer la vie, même si la mort est
au bout, justement parce que la mort est au bout.
La poésie me permet de rire de la mort et de pleurer de bonheur, la
poésie c’est la vie.

A - Oui, ta poésie, c’est une couverture dont tu entoures les mots pour
qu’ils disent en douceur l’horreur de cette fin. Toi ta patrie c’est la
poésie, moi j’ai choisi une fois pour toute la mienne.

B - Ah oui, laquelle ?

A - Ma patrie … c’est l’humanité*.

B - Et pour Younes, maintenant, sa patrie c’est l’éternité.



* Comme le souhaitait Victor Hugo, dans Le Rhin : "avoir pour nation, le monde, et pour patrie, l'humanité".

18/03/2009

Résultats du concours (3)

Concours de la semaine de la langue française, 3e prix, mention Théâtre et Mémoire, attribué à Guy Lopinto.
Théâtre puisque c'est une très jolie saynète mêlant le fantastique et la réalité. Mémoire, puisque notre lauréat s'inspire d'un personnage de Saint-Exupéry devenu mythique dans nos mémoires. Et que le Théâtre et la Mémoire sont les principes fondateurs de notre association.
Le jury, (composé de deux comédiens, deux auteurs, deux journalistes et deux spectateurs amateurs) a été séduit par cette "tranche de vie" où l'imaginaire enfantin sublime le quotidien.



Marjorie et le Petit Prince


Marjorie : Mais puisque je te dis que je l'ai vu,.je l'ai vu, vu te dis-je, bien vu !

La Mère : Tu n'as pu que le voir, bien sûr, je n'en doute pas un instant....mais je voudrais lire également ton devoir de grammaire! Il est huit heures, Marjorie, ton père va rentrer, le dîner n'est pas encore prêt, et je t'assure que ce petit garçon peut attendre !

Marjorie : Je ne vois vraiment pas le rapport.je te parle d'un petit prince de la lune, et tu me parles de grammaire !

La Mère : Je ne te parle pas de grammaire, Marjorie! Je te parle de ton devoir de grammaire! Allez, dépêche toi, s'il te plait, le temps presse vraiment !

Marjorie : Dans le jardin, sous le grand figuier, un petit garçon tout blond était assis..elle était belle sa canne bleue..et sa petite voix, sa petite voix...

La Mère : Marjorie, écoute!

Marjorie : Il était très fatigué, maman, il bâillait le petit garçon, il bâillait...

La Mère : Marjorie!

Marjorie : Mais maman, puisque je te dis qu'il était fatigué le petit garçon !..."Les étoiles sont belles à cause d'une fleur que l'on ne voit pas"...

La Mère : Qui t'a dit ça ?

Marjorie : Mais le petit garçon, voyons !

La Mère : Marjorie...tu l'as lu en classe le livre de Saint-Exupéry récemment ?

Marjorie : Tu sais bien que non, maman...tu m'as promis de m'acheter le livre avec les images pour mon anniversaire !

La Mère : Ah bon? Et....

Marjorie : ...Il m' dit que le génome de l'espèce humaine allait se modifier...

La Mère : ....Il t'a dit quoi?

Marjorie : Je te l'ai dit...il m'a dit que le géronome de l'espèce allait se modifier..

La Mère : Tu n'as pas dit ça, Marjorie, tu as dit autre chose...

Marjorie : Ben oui, quoi...j'ai dit le génome!

La Mère : On t'a parlé de ça récemment à l'école?

Marjorie : Mais pourquoi veux tu qu'on m'en ait parlé...c'est pas un truc d'école ça!

La Mère : Bon... cinq minutes alors...viens, viens sur mes genoux....et ensuite que t'a t il dit encore ce petit Prince?

Marjorie : Il m'a dit qu'il venait d'ailleurs, d'un pays où le clair de terre est magnifique...il y cultive une fleur… et puis j’ai rien compris..il m'a dit qu'il craignait que son mouton ne mange la fleur… un mouton, une fleur, je ne vois pas le rapport moi...je t'assure, parfois c’est n'importe quoi!

La Mère : Ah oui, je vois… et il t'a dit quoi, encore, le Petit garçon?

Marjorie : Alors là...j'ai encore moins compris... un truc bizarre: à partir de son capteur il étudiait notre planète ce qui le rendait très inquiet… mais vraiment inquiet, tu sais ? Il pleurait comme un petit enfant!

La Mère : Mais c'est un petit enfant, Marjorie… enfin... tu m'as bien dit ça, hein, Marjorie?

Marjorie : Tu ne m'écoutes pas vraiment, maman, cela fait cent fois que je te dis...

La Mère : ...Cent fois… tu exagères un peu peut être...

Marjorie : ...Enfin bon...quatre vingt dix neuf fois, au moins!

La Mère : Mais t'a-t-il dit pourquoi il était inquiet ?

Marjorie : Oui oui, un truc délirant encore....la touche de quelque chose..la touche de la zone qui allait amener la catastrophe...Il a dit que notre planète allait mourir tu vois le genre...ce sont les êtres vivants qui meurent, pas les planètes!

La Mère : Tu es sûre qu'il n'a pas parlé de la couche d'ozone?

Marjorie : Ah oui c'est ça maman...mais comment sais tu cela, toi? Tu l'as vu aussi le petit garçon?

La Mère : Non ma chérie... pas récemment... mais je le rencontre aussi quelquefois...périodiquement en tous cas...c'est un vieux rêve qui revient souvent, et qui fait clic dans ma tête pour me rappeler que c'était un très beau rêve!

Marjorie : Mais maman… tu pleures... non, non, maman, je ne veux pas que tu pleures... Ce sont les enfants qui pleurent... les mamans ce n'est pas compatible avec les fleurs...les pleurs, je veux dire!

La Mère : Mais je ne pleure pas, ma chérie, les yeux me piquent un peu... voilà tout ! Bon allez… je te donne encore cinq minutes pour terminer cette histoire... et il t'a dit quoi encore?

Marjorie : Oh rien d'intéressant… encore des mots bizarres..il m'a dit que pour que l'humanité demeure pérenne il faudra changer beaucoup de nos habitudes... mais il craignait qu'il ne soit trop tard… et c'est pour cela qu'il pleurait... tu sais… un peu comme le petit Jésus quand je fais des bêtises ! Finalement, il ressemblait beaucoup au petit Jésus le petit garçon... c'est drôle !

La Mère : Oui...c'est drôle...enfin drôle... Bon... on arrête maintenant, le potage va se faire désirer… et tu as retenu quoi finalement de cette histoire ?

Marjorie : Ben....qu'il avait une jolie canne bleue, le Petit Prince, et que j'aimerais avoir la même!

La Mère : C'est tout ?

Marjorie : Ben oui, c'est tout...pourquoi ?

La Mère : Pour rien ma chérie, pour rien… garde bien cette vision dans ton cœur, et réfléchis-y bien au cours de ta vie... elle pourrait te transformer.

Marjorie : Mais maman, ce n'est pas une vision, JE L'AI VU!

La Mère : Mais personne n'en doute, Marjorie, personne...allez...laisse moi préparer le diner, maintenant !

Marjorie : Dis maman !

La Mère : Quoi encore !

Marjorie : Dessine moi un mouton !

La Mère : Ah non !